Chaque année, immanquablement, le 3ème lundi d'avril a le privilège d'accueillir le marathon de Boston. Et cela dure depuis l'an 61 avant Mickaël Jackson. Ce qui en fait, avec 123 ans au compteur, le plus vieux marathon du monde. Tout débuta un année pile après les premiers JO de l'ère moderne (Athènes, 1896) durant lesquels la victoire du berger grec Spiridon Louis sur l'épreuve du marathon avait marqué le monde balbutiant du sport (2 h 58'50").

Depuis, rien n'avait eu raison de cette épreuve. Pas même la mort de Géronimo, l'affaire Sacco & Vanzetti, la Grande Crise de 1929, la Prohibition, la bataille de Pearl Harbor, l'assassinat de JF Kennedy, le festival d'Atlamont, la chute de Saïgon, la fugue d'ET, le décès de Franck Sinatra, les galipettes de DSK et l'attentat à la bombe sur l'épreuve même. Rien ne semblait pouvoir avoir raison de cette légende toujours en marche. C'était oublier que le COVID-19 était presque, en ce début d'année, plus fort que tout : l'édition 2020 du marathon de Boston, initialement prévue le lundi 20/04, a été reportée au lundi 14/09. Pas glop.

Bien qu'il fasse partie du cercle très fermé de la World Marathon Major League (avec Chicago, NYC, Berlin, Londres et Tokyo), le marathon de Boston a longtemps résisté aux sirènes mercantiles du sport professionnel : jusqu'en 1986, le premier prix, pour les vainqueurs féminin et masculin, était une simple couronne d'olivier. Respect !

Ce marathon, malgré sa renommée, a la particularité de ne pas être éligible à un record du monde en raison, principalement, du fait que les lignes de départ et d'arrivée sont distantes de 40 km (la réglementation internationale stipule que la séparation à vol d'oiseau entre le point de départ et celui d'arrivée doit être inférieure à 50% de la distance totale de l'épreuve) et également parce que le tracé affiche un dénivelé positif de 165 m (la même réglementation tolère 1 m max par km de course).

Mais l'Histoire a aussi retenu que c'est sur le marathon de Boston de 1967 que Kathrine Switzer fut la première femme à courir officiellement un marathon, épreuve alors réservée uniquement aux hommes ; transgressant les règles, la damoiselle s'était inscrite en utilisant ses initiales pour obtenir un dossard (le désormais fameux n° 261). Repérée, l'organisation tenta de la mettre hors course, mais les coureurs présents firent capoter la tentative.

Par contre, l'Histoire a malencontreusement zappé l'odyssée de Bobbi-Robera Gibb de 1966. Malgré une tentative infructueuse d'inscription à ce même marathon de Boston, miss Gibb fit le chemin depuis la Californie pour prendre le départ (4 jours et 3 nuits en bus quand même !). Sur place, elle se faufila discrètement dans le flot des partants équipée d'une paire de chaussures neuves, d'un bermuda de son frère, d'un "Marcel" noir et surtout d'un sweat à capuche...pour se camoufler. Très vite remarquée, et encouragée, par des marathoniens décidés à la protéger et à lui permettre de boucler sa course, elle retira finalement son sweat. Rapidement, l'information qu'une femme participait au marathon de Boston se propagea et Bobbi-Robera Gibb bénéficia alors du soutien sans faille de la foule massée sur le parcours. Au passage devant l'Université féminine Wellesley College, ce fut l'hystérie collective avec des scènes délirantes d'étudiantes en surchauffe. Au final, l'héroïne du jour terminera ses 42,195 km avec un chrono de 3 h 21'40", devant 2/3 des 415 classés ce jour-là.

Bobbi-Robera Gibb courra de nouveau le marathon de Boston de manière illicite en 1967 (3 h 27' où elle terminera 1 h devant la fameuse Kathrine Switzer équipée d'un dossard !) et en 1968 (3 h 30'). Bien que le marathon de Boston ouvrit ses rangs aux féminines dès 1972, il faudra attendre 1996, et le centenaire de l'épreuve, pour que Bobbi-Robera Gibb soit reconnue, enfin, comme vainqueur officiel féminin de la course pour les années 1966, 1967 et 1968.