C'est dans un anonymat quasi-absolu que l'Ethiopien Miruts Yifter a perdu sa dernière course, le 22/12/16. Dans un silence assourdissant, la majorité des médias spécialisés* a tout bonnement ignoré la disparition de ce qui aura pourtant été une des plus grandes gloires de l'athlétisme éthiopien.
C'est alors qu'il sert dans les rangs de l'armée éthiopienne que les aptitudes pédestres du jeune Miruts sont décelées. Rapidement incorporé à l'équipe nationale, il n'est pourtant que remplaçant pour les JO de Mexico (1968). Il découvre le rêve olympique, 4 ans plus tard, lors des JO de Munich (1972), au cours desquels il s'octroie la médaille de bronze sur 10 000 m (derrière l'intouchable Finlandais
Lasse Viren et le Belge Emiel Puttemans). Retour hallucinant et cauchemardesque au pays où il est mis en prison pour n'avoir pas été à la hauteur des attentes des autorités nationales...L'or ou la taule...Choisis ton camp, Camarade ! En raison du boycott de la majorité des pays africains aux JO de Montréal (1976) contre la politique de l'apartheid et la présence de l'Afrique du Sud à ces mêmes JO, Miruts Yifter ne peut défendre ses chances (et celles de son pays...) sur les épreuves d'athlétisme de cette XXIème olympiade.
Il faudra attendre les JO de Moscou (1980) pour la consécration de l'Ethiopien. Celui qui est devenu
Yifter the Shifter, en raison de sa capacité à changer subitement de rythme, remporte le 10 000 m avant de s'accaparer également
le titre sur 5 000 m. Ce doublé historique fera alors de lui l'égal des Paavo Nurmi et
Emil Zatopek. Rien que ça. Lors de ces JO, un mystère planera sur l'âge de Miruts Yifter qui était estimé entre 35 et 45 ans. Si le double vainqueur restera toujours muet sur le sujet, il sera plus tard établi officiellement qu'il était né le 15/04/44 et qu'il avait donc 36 ans à Moscou.
Retiré des pistes, Miruts Yifter migrera au Canada où il mènera alors une honnête carrière d'entraîneur de soccer. Et c'est à Toronto, ce 22/12/16, que cette légende raccrochera définitivement ses pointes. Emporté par des problèmes respiratoires à 72 ans. Si l'Histoire sait parfois être oublieuse et injuste, il y a cependant fort à parier que l'Ethiopie réservera, enfin, un accueil triomphal à Miruts Yifter quand son corps sera rapatrié, pour toujours, sur la terre de ses ancêtres. Respect champion !
*Honte notamment au quotidien l'Equipe qui n'a même pas cité Miruts Yifter dans
les disparus sportifs de l'année 2016. Un doublé olympique et une histoire hors du commun n'auront même pas retenu l'attention des journaleux. Quand on pense que ce journal a été longtemps considéré comme une référence dans le milieu sportif...Mais ça, c'était avant...Jacques Goddet, son créateur, doit se retourner dans sa tombe.